samedi 14 février 2015

Anna de Noailles et son "Poème de l'amour"



L’amour se résume-il de nos jours à une sélection de gadgets aux couleurs de la Saint-Valentin (la tendance actuelle étant au gris et à ses nuances) ? Cette vision consensuelle d'un amour plat, tiède, fade et domestiqué au service du marketing vole en éclats à la lecture du recueil de poèmes d’Anna de Noailles. Publié en 1924 et inspiré de sa passion inassouvie pour Maurice Chevalier, Poème de l’amour est le sixième recueil de la poétesse. Journal intime bouleversant, lettre sans concessions adressée au héros, il justifie, plus qu’aucun autre, le portrait d’Anna de Noailles dressé par Jean Cocteau : « Peu importe à cette prudente qui redoutait les contacts corporels de l’amour l’imprudence du dévergondage lyrique. Dans le domaine de la poésie, la pudeur n’existait plus pour elle ni l’exhibitionnisme. Elle ne craignait pas de dévêtir son âme, quels qu’en fussent les défauts »

Ces 175 poèmes sans titre, numérotés et inséparables, marqués par l’unité du contenu malgré une certaine variété de forme, constituent un véritable cycle poétique, le Poème de l’amour au singulier. Détail révélateur, son premier titre est Selon l’Intermezzo. À la manière d’Heinrich Heine cent ans plus tôt, Anna de Noailles jette sur le papier comme de petites notes journalières où, au rythme des saisons et de ses humeurs changeantes, elle dissèque sa passion à la lumière de l’introspection et en livre une analyse quasi clinique.
            Ce qui frappe dès la première lecture de ce journal poétique qui est en même temps une lettre adressée au héros, tantôt implorante, tantôt accusatrice, c’est son intensité lyrique et émotive. Il offre une vision de l’amour porté à un point d’incandescence maximale, empreint de fatalité, foudroyant et cruel, telle la passion des tragédies antiques : l’amour comme « incessante ivresse » (144), « tendre et secrète rage », « triste fureur » (150). Fière de ses origines grecques, la poétesse s’inspire des mythes des grandes héroïnes de « l’illustre Hellade » (21) dépérissant, comme Phèdre ou Echo, du sentiment non partagé (38, 97).  Cette « invincible flamme » (102), cette passion obsessionnelle et destructrice est une affaire de vie et de mort qui se distingue nettement du plaisir, comme le démontrent les figures shakespeariennes de Juliette et de Desdémone (10). Mais en sa présence le salut et le péril  deviennent parfois indissociables (161) : en effet, cet ouragan mortel est aussi « le seul secret qui me fait vivre » (164).
Il s’agit d’une dépendance physique et psychologique qui a tout d’une mendicité, d’un « rare et précis esclavage » (173) :

-          Être sans pain, sans vêtement,
Et dans un tendre abaissement
En recevoir de toi l’aumône… (120)

Cette folie, cette « calme, obstinée et fière déraison » (32), oscillant entre haine et tendresse, distance et possession, s’apparente à une maladie dont on ne peut que mourir ou guérir : notons que ces deux mots reviennent, tels les mots clés, tout au long du recueil.
            Apportant un oubli temporaire et rendant à l’objet de la « hantise unique » (4) sa juste place, le sommeil offre le seul répit, la seule trêve dans ce supplice accepté avec une résignation quasi masochiste. Fidèle à la tradition classique, Anna de Noailles emploie volontiers des oxymores. En remerciant pour la douleur le « consolateur cruel, doux et terrible Amour » (175), elle évoque son « doux martyre », son « affligeante béatitude » (89) et sa « cruauté charitable » qui tue par l’espérance, ainsi que le « méprisable et divin miracle du baiser » (170).
            Car la double nature de l’amour se révèle notamment dans l’opposition platonicienne entre l’élan vers l’idéal et son côté animal, presque bestial, entre le spirituel et le sensuel, qui est à l’origine d’une lutte intérieure permanente. Après tout, n’est-ce pas un subterfuge de « l’instinct dévorateur » (113) pour « autoriser le désir » (35) ? Ce qui ressemble tant à une ascension infinie n’est-il pas en réalité une spoliation de l’âme, une chute dans les affres du charnel et de l’impur ?

            Mais tandis que mes pas s’arrêtent
            Auprès de ton cœur grave et sûr,
            Des dieux offensés me regrettent
            A quelque banquet de l’azur ! (110)

Avec une vigueur particulière, cette antithèse se manifeste dans le poème 118 :

            On ne sait si l’amour ressemble à la prière,
            A la rêveuse pureté,
            Ou bien sa vigueur secrète et meurtrière
            N’a pour but que la volupté.

-          J’évoque tendrement ta sérieuse enfance,
Son brutal aguerrissement…
Mais soudain je m’attache à l’impudique chance
Des femmes dont tu fus l’amant !

Cependant, le thème de la jalousie n’est pas développé davantage dans le recueil : les rivales heureuses semblent dénuées d’existence réelle aux yeux de l’héroïne, étant incapables de manifester la même intensité des sentiments.
En même temps, avec beaucoup de lucidité et un psychologisme tout à fait moderne, la poétesse note le côté humiliant et dégradant de cette « reddition de l’âme » (150) :

Tant de honte acceptée humblement, pour qu’un corps
Ne nous prive pas de sa grâce… (37)

Pire encore, cette « ardente, servile, oppressante souffrance » (161) condamne un être disposant librement de sa vie à l’attente patiente d’une femme de marin, d’une Pénélope dévouée :
           
A présent, je ressemble à ces femmes assises
            Guettant les barques sur la mer (70).

Une seule fois ce monologue haletant, fébrile, porté par un acharnement monomaniaque, est interrompu par la voix du héros – mais là encore il s’agit d’un discours imaginaire, des mots non dits (174). Ses paroles énoncées sont quant à elles reprises dans un discours indirect : en guise de réponse à la confession lyrique de la femme « morte mille fois d’avoir bu tous les poisons » dans son silence (71), il dit simplement qu’il la croit (136).
Outre son mutisme, le héros sage et prudent, insensible et têtu, se distingue par une étrange passivité. La poétesse note son calme et sa paresse, sa « noble et simple pudeur » (150), son « être évasif, distrait, triste et tranquille » (28), enfin son « esprit net, sobre, empêché de tout élan, de tout aveu » (141). Très peu de détails portent sur l’apparence physique de ce « corps charmant », « cœur de roche »  (109): plusieurs poèmes évoquent uniquement ses belles mains, sa voix « vague et directe », son « beau sourire triste et gai »  et surtout ses « yeux de sombre azur », ces « cailloux durs et bleus », « froids et vigilants ». Mais après tout, ce contexte plus ou moins réel n’est qu’un prétexte à ce qui deviendra le Poème de l’amour, l’héroïne cherchant à fuir le héros pour mieux le retrouver en elle-même :

Selon ma soif, selon ma faim,
Et suffisant pour que je t’aime ! (150)

Car son espoir majeur et sa principale consolation résident dans la puissance du verbe permettant d’échapper à la vulnérabilité. Même aux moments les plus sombres et les plus tragiques de cette épreuve solitaire, Anna « la prodigue, l’embrasée » (Colette) est consciente du pouvoir donné par son talent. Et si sa vocation était d’offrir un « cadeau divin » (125) et la « renommée éternelle » (85) à ce « futur cadavre », cette « éphémère merveille » (172) ? En tout cas, c’est l’idée du poème 130 annonçant le triomphe de l’art sur la disparition, l’indifférence et les faiblesses du « suave ami périssable » (64) :

Reste indolent, oublieux, imparfait,
Je porte en moi le soleil qui te change… 




dimanche 8 février 2015

Peut-on "caricaturer l'Holocauste"?

Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, le monde entier vit une vraie renaissance de la caricature dans la presse et sur les réseaux sociaux. De nombreux sites proposent, pour quelques dizaines d’euros, de faire votre caricature à partir d’une photo. Et même la Maison de la caricature de Téhéran essaie de surfer sur la vague en annonçant une nouvelle édition du concours de la caricature sur l’Holocauste (sic).

Selon The Independent, le vainqueur de ce concours recevra la somme de 12.000 dollars (près de 11.000 euros), le deuxième 8000 dollars et le troisième 5000 dollars. Les œuvres doivent ensuite être exposées au Musée d'art contemporain de la Palestine, ainsi que dans différents lieux de la capitale iranienne.

La première édition a été lancée en 2006 par le journal iranien Hamshahri, comme une riposte à la publication par le journal danois Jyllands-Posten (puis, notamment, par Charlie Hebdo) de caricatures représentant Mahomet.

Espérons que le temps qui sépare le bon grain de l’ivraie n’en retiendra que la noble intention de se battre à armes égales et l’hommage rendu à l’efficacité du crayon. Rappelons que l’histoire a déjà connu un certain nombre de caricatures réactionnaires ou antisémites mais ce n’est pas celles qui ont survécu.

Si on décide de limiter cette étude à des réflexions d’ordre esthétique, la question qui se pose n’est pas « Peut-on rire de tout ? » mais plutôt « Le support est-il approprié ? » En l’occurrence, le choix de l’Holocauste en tant que figure imposée rompt nettement avec les lois du genre et risque de condamner à l’échec cette grande campagne vindicative.

1. Art du moment et du mouvement, la caricature vit dans l’instantané et doit beaucoup à l’improvisation. Rapide et spontanée, elle garde sa virulence tant qu’elle reste le reflet du monde actuel et pas d’un passé plus ou moins lointain.


Honoré Daumier d'après Charles Philippon: Les poires


2. Art de l’excès et de l’outrance, la caricature cultive la déformation et la disproportion  s’attaquant à l’homme et à son image. Fidèle à une vieille tradition satirique, elle utilise une vaste panoplie de procédés : animalisation / végétalisation, mutilation, diabolisation, infantilisation, mécanisation, comparaison dévalorisante, recours à la scatologie ou la pornographie etc. C’est ainsi que le porc est choisi pour figurer Louis XVI ou Napoléon et la poire pour représenter le visage de Louis Philippe. Comme Baudelaire le démontre dans son essai consacré à Daumier, la caricature a un rapport direct avec la notion du monstrueux. Or la barbarie de la Shoah va elle-même si loin dans l’horreur, la déshumanisation, le mépris de l’autre que toute sorte d’hyperbole ou autre exagération semble superflue dans sa représentation.  

3. Art contestataire, transgressif, souvent subversif, la caricature s’est toujours attaquée au pouvoir politique ou religieux, ses représentants, ses symboles et le discours dominant en général. Elle met en avant un élément carnavalesque (dans le sens de M. Bakhtine), en dépouillant du pouvoir ceux qui en sont investis et en renversant, de façon symbolique, toutes les hiérarchies instituées, entre le noble et le trivial, le haut et le bas, le raffiné et le grossier, le sacré et le profane. Lorsqu’elle s’en prend aux victimes plutôt qu’aux bourreaux, il lui est difficile de garder cet esprit subversif qui a toujours fait sa force.

A cœur vaillant rien d’impossible (à condition, toutefois, d’avoir un minimum de talent). Attendons de voir si les œuvres des gagnants seront à la hauteur des nombreuses contraintes du genre et surtout s’ils trouveront l’adhésion auprès du public international. Car désormais c’est ce dernier critère qui sera décisif même pour les grands favoris du jury… 



samedi 31 janvier 2015

Le Bouquin des méchancetés

François Xavier Testu, avocat et professeur agrégé de l'université François-Rabelais de Tours, publie un livre pour ceux qui sont en panne d’inspiration en voulant balancer une critique. Ce pavé de 1184 pages, sorti chez Robert Laffont, est à la fois un florilège des méchancetés mémorables et un inventaire des traits d’esprit, des saillies et des épigrammes de l'Antiquité à nos jours.

Certaines époques et certains milieux s’y prêtaient plus que d’autres : les cercles littéraires des XVIe et XVIIe siècles, les salons et la cour de France au siècle des Lumières, le monde politique et la société mondaine de la IIIe République, l'Angleterre post-victorienne, la grande période hollywoodienne de l'entre-deux-guerres...

Parmi les experts en la matière, on trouve de grands hommes d'État comme Clemenceau ou Churchill. Mais les artistes savent eux aussi avoir la dent dure. Ainsi Arletty ne manquait pas de cette gouaille parisienne qui en faisait le charme en particulier auprès des officiers supérieurs de la Wehrmacht, "Mon cul est international mais mon cœur est français" affirmait-elle. Et alors qu’on lui reprochait ses relations avec les Allemands, elle avait répliqué : "Fallait pas les laisser entrer".

Enfin, difficile de passer à côté de ces célébrités qui ne manquaient pas d’occasion d’adresser une ou deux vacheries à leurs confrères. En voici quelques exemples: 

Anatole France au sujet d'Emile Zola : «J'admire qu'il soit si lourd en étant si plat»:

Rodin au jeune Picasso venu présenter une de ses toiles au maître : «Commencez par signer, que je sache dans quel sens ça se regarde».


Sacha Guitry, commentant en ces termes l'élection à l'Académie française de l'un de ses confrères : « Ses livres sont désormais d'un ennui immortel. »


lundi 26 janvier 2015

Discipline, un mot tabou?

Cri de guerre



« Saisir au vol des slogans pour les étudier, c’est une gageure aussi grande que d’attraper des papillons », affirme Blanche Grunig, l’une des grandes spécialistes en la matière.[1] Pourtant, loin d’être une entreprise ingrate ou futile,  l’analyse de slogans peut nous révéler énormément sur nous-mêmes et la société dans laquelle nous vivons.

« Discipline is not a dirty word » (La discipline n’est pas un gros mot) est un slogan de RON DORFF Paris-Stockholm. En quelques années il s’est imposé comme le leitmotiv de cette enseigne franco-suédoise créée par Jérôme Touron et Claus Lindorff. Dicté par une « volonté de simplicité et d’intemporalité », il «traduit le parti-pris sportif et minimaliste de la marque qui redéfinit les codes du vestiaire sportif masculin, en combinant fonctionnalité scandinave et classicisme parisien ». 



Notons tout d’abord sa ressemblance avec les devises voire les slogans politiques. Il se distingue par une transparence énonciative (sans image à l’appui) et également par une double injonction : appel à l’achat (ou le vote), mais aussi une injonction morale à travers un idéal, une règle de conduite, un mot d’ordre, un engagement ou une valeur dominante. (C’est encore plus flagrant lorsqu'on doit s’afficher en un vêtement support de slogan. En achetant, on assume - ou pas).

En l’occurrence, il s’agit de la discipline qui apparaît aussi comme un mot-choc. A l’instar des slogans politiques, le slogan manifeste la volonté à la fois d’entamer un débat et de rassembler au-delà des idées reçues. Ainsi, sa force de frappe et son effet surprise tiennent, malgré son rythme et ses allitérations, moins à son côté ludique ou poétique qu’à son intention transgressive et polémique. Il justifie ainsi les origines du mot remontant au gaélique sluagh-ghairm, qui signifiait, dans l’ancienne Ecosse, le cri de guerre d’un clan.

Le slogan de RON DORFF a le potentiel suffisant pour réunir les clans les plus hétérogènes, des manifestants de Civitas aux stakhanovistes soviétiques, en passant par les forces spéciales. Cette polyvalence résulte de la revalorisation par la négation oscillant entre la contestation et le déni, l’interdiction et la rébellion. D’autre part, une association établie entre le sport et la discipline a pour mission non seulement de gommer les rondeurs excessives évoquées par le nom de la marque, mais aussi de remettre en cause un stéréotype bien français, en opérant un virage sémantique. Car, adopté avec succès dans plusieurs pays, ce slogan continue à résister à la langue et à la mentalité du nôtre.

La discipline fait-elle peur en France ? Le pays de Racine, de Poussin et de Flaubert serait-il devenu réfractaire à l’ordre, à tel point que le terme même né au sein du monde latin est perçu comme un apport étranger ?

Apparu au XIe siècle, le mot disciplina est dérivé de discipulus (disciple), lui-même dérivé de discere (apprendre). A l’origine, il désignait un massacre, ou un carnage (résultant de l'exercice d'une justice, d'un châtiment), ensuite une punition ou une mortification, avant d’acquérir sa signification actuelle. Désormais il désigne l’ensemble de lois, d’obligations qui régissent une collectivité, mais aussi l’aptitude de quelqu’un à obéir à ces règles. La discipline est donc une contrainte et implique une obéissance ou une soumission ; elle reste associée à l'idée d'éducation et de direction morale. C’est un moyen de gouverner les esprits et former les caractères.

Saint Louis recevant la discipline des mains de son confesseur, Notre-Dame de Paris
 
 

Plus particulièrement elle évoque l'idée d'école ou de collège. Ainsi, l’une des dernières théories à la mode renvoient vers la « discipline positive », une méthode éducative élaborée par Jane Nelsen et alliant fermeté avec bienveillance. Par extension, on parle de la discipline d'une armée, la discipline d'un monastère, d'une association ou encore d'un parti politique. Si certains de ces domaines peuvent susciter des vocations, d’autres gardent leur caractère dissuasif : en droit, le droit disciplinaire fixe les sanctions que le groupe peut infliger à ceux qui enfreignent les règles écrites ou implicites.

La faute à Foucault ?


La connotation négative associée à la discipline remonte en partie à sa perception par le philosophe Michel Foucault. Dans son ouvrage majeur sortie en 1975 sous le titre Surveiller et punir (titre anglais : Discipline and Punish: The Birth of the Prison), Foucault livre une analyse profonde des sociétés disciplinaires avec leurs mécanismes de domination, d’assujettissement et de contrôle. D’après lui, la discipline fait partie du dispositif de pouvoir comme ensemble de techniques utilisées pour rendre les individus dociles et utiles. Son but est de maintenir une pression constante en les poussant tous à se conformer au même modèle.




La société disciplinaire et normalisatrice mettant en œuvre exclusion, coercition et autres moyens de répression est donc caractérisée par une infantilisation de l’individu, transformé en matière à travailler, en courbe à progresser. La discipline assure également un contrôle de l’activité réglé par l’emploi du temps (on retrouve ce principe aussi bien dans le monde carcéral qu’à l’école, à l’armée ou encore à l’usine). Voilà pourquoi la discipline devient un pilier des grands projets pédagogiques élaborés au sein des régimes totalitaires et visant le redressement ou la « rééducation » des individus par le travail au sein d’un collectif. Elle est indissociable de l’idéologie comme doctrine politique qui fournit un principe unique à l'explication du réel (cf. l’affirmation orwellienne  « Seul l’esprit discipliné peut voir la réalité »). Pour couper définitivement les ponts avec le passé, les idéologues du socialisme annoncent l’avènement d’une « discipline consciente et volontaire », contrairement à la « discipline imposée et oppressive » du capitalisme.


Consonances germaniques



« On pouvait critiquer les Allemands à maints égards, mais il était difficile de prendre en défaut leur discipline ». Cette réflexion d’un héros du roman Le monde libre de David Bezmozgis fait référence à un stéréotype très ancien. Avec le travail et l’épargne, la discipline constitue le troisième pilier de l’éthique protestante qui est d’après Max Weber l’origine du capitalisme à la fin de l’époque médiévale. Devoir envers Dieu et la société, le travail demande assiduité et discipline rigoureuse presque ascétique, notamment temporelle (« time is money »). Il a pour objectif la maximisation du profit : gagner de l’argent devient une fin en soi. Cette éthique est également à l’origine du concept de self-made man, artisan de sa propre réussite, étroitement lié aux projections  du « rêve américain ». La culture de l’effort implique la valorisation de l’endurance où la discipline devient synonyme de volonté en tant que choix délibéré et dicté par la raison. C’est la capacité de contrôler ses impulsions, ses émotions, ses désirs, de renoncer à un plaisir immédiat ou une gratification instantanée en faveur d’une satisfaction à long terme suite à la réalisation d’objectifs plus hauts et plus importants. Le self-control permettant de résister à la tentation fait l'objet du fameux Test du marshmallow développé par le psychologue américain Walter Mischel. D’après Jim Rohn, entrepreneur, écrivain et coach en développement personnel, « la discipline est le pont entre les objectifs et les réalisations ». Antonyme de l’acrasie, elle est de l’ordre de ce que désigne en anglais « self-binding commitment » (un engagement personnel contraignant), à l’instar d’Ulysse s’attachant au mât de son bateau pour résister aux chants des Sirènes.



Mais la discipline joue également un rôle important dans la construction de l’identité virile et héroïque du soldat et de l’athlète aryen au troisième Reich : cet aspect apparaît notamment dans le livre Art et Dictature au XXe siècle de Maria Adriana Giusti. Elle est indissociable de l’entraînement physique et idéologique dans l’esprit du racisme et du darwinisme social. A partir de 10 ans, les garçons rejoignant les rangs des Jeunesses hitlériennes sont soumis à un programme d’éducation spartiate, avec des exercices de préparation au service militaire et au « suprême honneur » de mourir pour la Patrie. Elément clé de l’idéologie national-socialiste, la discipline devient un moyen de contrôle et de redressement mais aussi un outil de propagande. Elle fait partie de la logique exécutive imposée par la nécessité d’obéissance aux ordres et représentée par des colonnes de fanatiques aveuglés suivant  fidèlement leur Führer. « Le pouvoir par la discipline » est au cœur de ce dressage (Drill), comme l’annonce M. Wenger, le professeur charismatique dans La vague de Dennis Gansel (2008).



Dans les films de Leni Riefenstahl Le triomphe de la volonté (1935) et Les dieux du stade (1936) où la propagande nazie atteint son paroxysme, la discipline s’inscrit dans la stratégie de la conquête. Quant au côté moins spectaculaire du régime, il a notamment été révélé par Hannah Arendt. Dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal (1963), la philosophe se penche sur le travail des petits fonctionnaires soumis à l’autorité. Tel est Jens Ole Jepsen, le héros du roman La leçon d’allemand de Siegfried Lenz (1968), qui a bâti toute sa vie sur la notion du devoir (Pflicht). Loin d’être des monstres sanguinaires, ces exécuteurs ne faisaient que suivre les consignes sans s’interroger sur les conséquences de leurs actes. Les normes intériorisées et l’autocensure omniprésente leur font perdre les restes d’empathie, transformant les êtres humains en automates. Car tels sont les revers et les dérives kafkaïens du zèle (Tüchtigkeit) protestante : la discipline qui a besoin d'être associée à une quête de sens pour faire partie d'un rite, risque de s’affranchir de toute considération éthique et de tout composant émotionnel, lorsque le fond est sacrifiée à la forme. Devenue une coquille vide, elle est aux antipodes de la réflexion, du sens critique et du libre arbitre qui sont la base de tout choix moral.


Discipliner la chair



Un mot dénigré donc, voire « ordurier », dans certains contextes. Car discipline, c’est aussi le D du sigle BDSM désignant  un ensemble de pratiques sexuelles entre adultes consentants, toutes basées sur la douleur ou l’humiliation. Cette connotation punitive vient du domaine religieux, où la discipline désigne un objet de torture servant traditionnellement à l'auto-flagellation, une sorte de petit fouet à lanières multiples. A l’origine, il est utilisé par les religieux pour se mortifier, faire la pénitence ou châtier ceux qui sont sous leur conduite.

Aujourd’hui, le corps est une nouvelle fois devenu objet de pratiques rituelles ou sacrificielles, mais sans rapport avec la tradition chrétienne. Sa redécouverte, après une ère millénaire de puritanisme, sous le signe de la libération physique et sexuelle, son omniprésence dans la publicité et la mode, témoigne, selon Jean Baudrillard, que le corps est apparu comme un nouvel objet de salut. A la fois capital et fétiche, investissement et objet de culte, « il s’est substitué à l’âme dans cette fonction morale et idéologique ».[2] Une relation narcissique imposée désormais envers son propre corps, exige qu’il soit constitué comme l’objet le plus lisse, le plus parfait et le plus fonctionnel. On l’exploite comme un gisement et l’aménage comme un patrimoine sous le signe de la beauté et de l’érotisme. Une beauté nouvelle, elle aussi, puisqu’elle « cesse d’être une grâce » et « devient un but » (Evelyne Sullerot). Une beauté volontariste, basée sur l’hygiène de vie, le sport régulier, la diététique. Une esthétique de minceur et de la musculature impensable sans la discipline, car  la moindre imperfection devient synonyme du laisser-aller. 



Signée Jean Baudrillard, cette campagne de dénonciation des nouveaux rituels minceur et beauté devenus le fonds de commerce a durablement marqué les esprits. Ainsi, dans le film de Claude Chabrol Au cœur du mensonge (1998), c’est à un journaliste cynique et beau-parleur qu’est confié l’éloge de la discipline corporelle : « J’aime bien la discipline du sport, c’est la seule liberté qui soit douce… »

Pratique sulfureuse, valeur totalitariste ou « zemmourienne », instance virile ou castratrice ? Le dernier refuge des control freaks obsédés de la réussite et bannissant tout laisser aller ? Un tic révélateur de la société de compétition ? En misant sur la sobriété, la jeunesse, le dynamisme, RON DORFF a le mérite de relancer le débat. Pour pouvoir figurer sur notre liste des bonnes résolutions, la discipline a besoin d’être dépoussiérée et réinventée, ce qui n’exclut pas un retour aux sources. Après tout, pour ceux qui revendiquent leur part de l’héritage classique, elle peut aller de pair avec le savoir-faire, l’exigence, la rigueur artistique. Ou bien, tout simplement, devenir un moyen d’atteindre un certain équilibre physique et mental, « le corps d'un athlète et l'âme d'un sage » qui d’après Voltaire constituent le gage du bonheur.




[1] Blanche Grunig, Les mots de la publicité. L’Architecture du slogan, Presses de CNRS, 1990, p. 7.

[2] Jean Baudrillard, La société de consommation, Denoël, 1970, p. 200.

samedi 24 janvier 2015

Le regard de Cyril Arnstam

Cyril Arnstam

Cyril Arnstam (Кирилл Арнштам), qui a fêté ses 96 ans le 9 janvier dernier, fait partie d’une dynastie d’artistes. C’est son père, le décorateur Alexandre Arnstam, qui lui a montré la voie. Allemand par ses origines, Russe par la culture de ses parents, Français d’adoption, Cyril a grandi au creuset des pays, des langues, des mentalités. Né à Petrograd en 1919,  il quitte la Russie avec ses parents à l’âge de 3 ans. La famille s'installe à Berlin. À l'âge de 6 ans, le jeune surdoué est déjà reconnu pour ses dons de dessinateur, et plusieurs journaux consacrent des articles à son talent précoce. Ayant fui Berlin après 1933, Cyril suit, à Paris, les cours de l'École nationale supérieure des arts appliqués. Son frère, Igor Arnstam, a dessiné six affiches pour le cinéma, dont deux pour Le Quai des brumes (1938). C'est ainsi que Cyril Arnstam débute dans l'affiche de cinéma, avant de créer son œuvre la plus connue, les affiches de Katia, de Maurice Tourneur (1938), qui ont fait connaître le visage de Danielle Darrieux.

Engagé dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, après l’arrestation de sa mère de confession juive, il cesse toute activité dans le monde du cinéma. Il reprend son activité d'affichiste en dessinant notamment des affiches de films de Riccardo Freda, dont La Fille des marais/Cielo sulla palude en 1949, mais aussi de films français comme Olivia de Jacqueline Audry (1950). Il sera contraint de refaire la maquette de cette affiche pour ne pas choquer la censure. Cyril Arnstam travaille aussi pour la Columbia avec Sur les quais/On the Waterfront d'Elia Kazan, en 1954. Après une longue parenthèse, il réalise à nouveau des affiches de cinéma au début des années 1980 : Daniel (Sidney Lumet, 1983), Eaux profondes (Michel Deville, 1981), Un juge en danger/Io ho paura (Damiano Damiani, 1977).

Dans les années 1970, Arnstam délaisse les affiches de cinéma et fait surtout de l'illustration pour des couvertures de livres de Tolstoï, Zola, Dumas père, Maupassant, Troyat. Il travaille aussi pour la revue Playboy, le mensuel Marie-Claire, le magazine Le Monde de la musique et pour Paris Match. Pour l'agence publicitaire de Jacques Séguéla, il réalise plusieurs story-boards de films publicitaires (Lanvin, Crédit Agricole, Armani...)

Cyril Arnstam, Adolf au salon


A travers ses illustrations, décorations, affiches cinématographiques et publicitaires, Cyril Arnstam a toujours su garder un style unique, facilement reconnaissable malgré son évolution au fil des époques. Ses œuvres les plus connues sont marquées par l’expressionnisme passé à travers le filtre de la décorativité pop et de l’ironie postmoderne. D’après l’historien d’art Mikhaïl Guerman, il arrive à trouver un analogue visuel exact d’une idée, d’une citation, d’une comparaison, en associant la réalité, le grotesque et la fantaisie.

Cyril Arnstam, Staline


Interrogé par le musicien et poète Anatoli Vainshtein pour la dernière édition de l’almanach Glagol, Cyril Arnstam reconnait l’influence de plusieurs artistes remarquables. Il évoque Munch, Picasso, Matisse, Soutine, Kandinsky, tout en se distanciant du modernisme. Il ne sait pas dire si les gens en uniforme nazi sur ses tableaux symbolisent l’élégance de l’horreur et de la cruauté. Et il a du mal à décrire son œuvre sous la lumière des éternelles interrogations morales dont les Russes sont si friands depuis Mozart et Salieri de Pouchkine. Un génie est-il toujours porteur du bien ? Le mal peut-il s’exprimer de façon géniale ? Cyril Arnstam avoue qu’en réalisant les portraits d’Hitler, de Staline et de Mao, il voyait en eux non des monstres ou des créatures démoniaques, mais « des gens ordinaires » tout au plus atteints d’une folie et par conséquent dangereux. D’autre part, le caractère grotesque de ces portraits s’explique par le fait qu’il s’agissait de commandes de Playboy. Les trois leaders politiques sont représentés dans l’entourage féminin, ce qui les rend inoffensifs. Anatoli Vainshtein y voit même le paradoxe de la « domestication »  et  de la banalisation de ces personnages par la magie de l’érotique qui apparait comme une force plus puissante que la violence. Sans rejeter des telles interprétations, Cyril Arnstam se dit plus intéressé par la physionomie des personnages : ses tableaux seraient étrangers à toute satire, critique sociale ou analyse psychologique, même si une telle approche est difficilement acceptable pour les Russes (le portrait d’Hitler à été refusé par le commissaire de son exposition à Saint-Pétersbourg). Quant au Playboy, il a été considéré en Russie soviétique comme une incarnation de la décadence bourgeoise, synonyme du trash et du mauvais goût. Mais pour celui qui n’a pas hésité à représenter Napoléon avec une tête de veau et Sartre sous forme de cocktail Molotov, la force de ce magazine est dans son style et son niveau intellectuel, son intérêt pour les thèmes politiques, historiques et culturels. D’où l’apparition de Mao lesbien (pastiche d’une toile de l’école de Fontainebleau), Georges Marchais et les Rolling Stones, Chirac dans une poire et d’autres images apparentées à l'univers pop des années 1960 et 1970 qui ont beaucoup contribué à la popularité du magazine.


Gabrielle d’Estrées et la duchesse de Villars
Ecole de Fontainebleau (1592)
Musée du Louvre, Paris.
Cyril Arnstam, Mao lesbien














Pour Cyril Arnstam, c’est le talent et l’amour du métier qui sont à l’origine de cette approche artistique permettant de séparer l’érotique de la pornographie et la valeur commerciale de la vénalité. Il garde cette idée – finalement très russe – d’une beauté qui peut surgir n’importe où et à tout moment, se révélant à travers les pages d’un magazine de charme, d’un passage de Lolita, d’une ancienne gravure ou d’une illustration du roman de Tolstoï. 

mardi 13 janvier 2015

L’arbitraire, arme portative des snobs

"Comète sans loi parmi les astres réguliers" (A. Pouchkine), la provocation se nourrit de l’arbitraire. La preuve dans l’article “Bible” du Portatif de la provocation de François Boddaert et Olivier Apert (PUV, 2000). “Livre radical …, machine de guerre et de poésie qui, par un savant arbitraire, réunit en un seul volume L’Ancien Testament, racontant prodiges et avatars du peuple hébreu, et le Nouveau Testament, qui n’a de cesse, par les enjeux des traductions successives de l’ancien, que de se légitimer en récupérant une filiation” (p. 26).

Est arbitraire ce qui dépend uniquement d'une décision individuelle et peut être contraire à l'intérêt commun. De façon générale, il qualifie ce qui ne repose pas sur la raison, sur une nécessité logique et par conséquent résulte de la seule volonté. Dénué de rigueur rationnelle, l'arbitraire est l'application de la subjectivité d'une personne détenant du pouvoir. Marqué par la fantaisie, le caprice et l’absence de logique, il n’est pas à l’abri des liaisons dangereuses avec l'absolutisme, l'injustice ou la tyrannie. En contrepartie, il signifie aussi le triomphe du libre arbitre.

Le Portatif de la provocation de Villon à Verdun en 333 entrées est lui-même une provocation. De façon totalement arbitraire, ses deux auteurs “suivant leur instinct” ont choisi d’arrêter leur ouvrage en 1917 (“avec Verdun et Dada comme acmé de toute Provocation”, p. 7). Et tant pis pour les personnes qui survivent à cette année: leur parcours ultérieur n’a aucune importance aux yeux des auteurs qui ne mentionnent que leur date de naissance. Curieusement, ce procédé n’est pas sans rappeler les interrogatoires rituels des troïkas révolutionnaires (« Qu’avez-vous fait avant 1917?! »)

Un autre choix tout aussi arbitraire des auteurs était de limiter la provocation au sol français: exit Lord Byron, Heinrich Heine, Oscar Wilde, Tolstoï et Dostoïevski. Cette restriction n’est pas commentée dans l’ouvrage, de même que le choix de plafonner le nombre d’entrées à 333. L’arbitraire s’étend encore sur la longueur des articles (très hétérogène), le traitement complaisant ou expéditif des sujets ou la préférence donnée aux anecdotes et aux citations aux dépens des analyses. De façon générale, les auteurs ont choisi une approche sélective et élective (dans le sens d’un choix fondé sur une affinité naturelle inconsciente), mais aussi élitiste grâce à un certain hermétisme associé aux lourdeurs du style et un langage savamment abscons.


En même temps, le livre se veut un portatif et revendique la parenté avec le Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire agacé par la grosse machine encyclopédique des Lumières. Cette dénomination souligne le côté pratique (un ouvrage transportable, commode et facile à manier) mais a aussi une connotation désuète  (une machine à écrire portative face à l’omniprésent portable). Et c’est peut-être là qu’on trouve la plus grande particularité de ce vade mecum signé par deux poètes érudits: à mille lieux des ouvrages grand public, voici un parfait livre „snob“, en accord avec la définition de Robert de Montesquiou ouvrant l’article “Snobisme”: “Le fait et le gout de se sentir amplifié par des accointances supérieures” (p. 219). Autrement dit, la noblesse.


mercredi 7 janvier 2015

Je suis Charlie

Les douze victimes du massacre de Charlie Hebdo


Le carnage de Charlie Hebdo a été vécu comme une atteinte à nous valeurs fondamentales, tout d'abord la démocratie et la liberté d’expression. Mais il a aussi été à l’origine d’un élan de solidarité sans précédent, un vrai mouvement populaire né sur les réseaux sociaux et dans la rue. Cette mobilisation sans frontières est sans doute le meilleur hommage aux victimes dont les cinq dessinateurs « féroces, mais pas méchants » (Wolinski) désormais mondialement connus. Ils n'ont jamais eu autant de soutien de leur vivant, ce que la veuve de Charb Jeannette Bougrab a déploré sur Europe 1. Un artiste doit-il mourir pour être défendu ? En tout cas, l’histoire confirme une nouvelle fois qu’il est « dur d’être aimé par des cons » (Cabu). Non seulement parce qu’ils « oublient » leur carte d’identité dans la voiture. Mais aussi et surtout parce qu’ils obtiennent le contraire de l’effet visé : les « sales gosses » d’hier sont devenus désormais des martyrs de la liberté.

Le site du Paris Match a eu la bonne idée de rappeler leurs parcours, à côté de ceux des autres victimes de cet acte barbare.

http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Attentat-de-Charlie-Hebdo-biographie-des-douze-victimes-de-l-attaque-a-la-kalachnikov-dans-les-locaux-de-Charlie-Hebdo-685992

Un avant et un après. Ce constat concerne non seulement l'actualité politique et sociale, mais aussi la vie culturelle en France. Jean-François Batellier estime que le dessin de presse représente un secteur sinistré suite à une crise de support. C'est donc aux réseaux sociaux et à d'autres moyens de communication virale, ultra rapides grâce à leur effet boule de neige, peu coûteux et beaucoup moins vulnérables que les médias traditionnels,  de prendre la relève. "Il ne faut plus que Charlie Hebdo ait le monopole de la provocation, il faut de nouveaux Charlie Hebdo", affirme Z, un caricaturiste tunisien. "Cabu, Tignous, Honoré, Wolinski et Charb s'en sont allés. Mais nous sommes légion". En effet, comme le montre le formidable élan créatif et citoyen de ces derniers jours, la nouvelle génération des dessinateurs engagés est en train de naître.

Madame Oreille, photos de voyage