dimanche 24 avril 2016

5 raisons de voir "Merci patron !"


 

 

1. Parce que ce film ne ressemble à aucun autre


 

A l’heure où, selon le dernier classement du cabinet Universum, le groupe LVMH fait toujours autant rêver les étudiants, François Ruffin signe un documentaire cinglant qui vise autant Bernard Arnault en personne que les grands patrons en général. Le film raconte le combat du couple Klur qui au début semble perdu d'avance. Tous les deux étaient employés dans l'usine Ecce à Poix-du-Nord, une filiale du groupe LVMH jadis chargée de la confection des costumes Kenzo avant que l'usine ne soit délocalisée en Pologne en 2007.

 

Comme l‘a remarqué François Morel, « Merci patron ! pourrait concourir aux Césars dans la catégorie « Meilleur film » [...] et même meilleur film étranger tant ce film en effet est tellement étranger au reste de la production cinématographique habituelle ». Ce qui n’a pas empêché d’autres critiques de le comparer aux films d’Ernst Lubitsch, Frank Capra, Bruno Dumont et bien sûr Michael Moore. Néanmoins, il reste un ovni d’un tout nouveau genre, à la fois une enquête et un combat social réparant les injustices en direct : un vrai film d’action directe, selon une définition de l’économiste Frédéric Lordon.

 

2. Pour se faire une opinion sur un film autant encensé que boudé

 

Réalisé notamment grâce au financement participatif, le documentaire satirique de François Ruffin est en train de devenir un véritable succès populaire, avec 300 000 entrées dépassées. Cet intérêt a été alimenté par le buzz négatif autour de ce ciné-pamphlet, avec des interviews annulées ou écourtées, des pressions exercées sur les journalistes, de vives critiques sur Canal+, et enfin la mise à pied d’un prestataire de Renault faisant la publicité du film. D’autre part, de nombreuses personnalités ont soutenu ce « chef d’œuvre de la comédie  documentaire » (Jacques Mandelbaum), un film « tonique, vengeur, grinçant » (Sorj Chalandon), un thriller social revendiquant le suspense, l’espionnage, l’émotion et bien sûr la rigolade.

 

3. Parce que c’est drôle et jouissif


Comédie humaine ou farce authentique, ce documentaire sur la lutte des classes fait exploser la salle de rire par son insolence carnavalesque. Qu’on soit de droite ou de gauche, pas de qualité humaine particulière n’est requise pour s’identifier aux faibles et se réjouir des failles des tout-puissants révélées par un redresseur de torts. C’est ainsi que le Robin des Bois de Fakir avait su créer un défouloir social ayant convaincu même  l’homme-grenouille, l’auteur de la critique négative la plus utile sur AlloCiné :  "Son seul intérêt est la jouissance que l’on peut tirer à voir un groupe comme LVMH se faire ridiculiser à ce point..."

4. Parce que c’est aussi une réflexion sur le journalisme indépendant


Désigné par ses confrères comme « alterjounarliste », François Ruffin est aussi fondateur et rédacteur en chef de Fakir, journal satirique indépendant et alternatif engagé à gauche. Par son slogan « Journal fâché avec tout le monde. Ou presque » : Fakir met en avant sa liberté totale d'expression. En plus de l'indépendance politique, c'est l'indépendance économique qui permet sa liberté de ton à ce journal presque entièrement rédigé par des bénévoles et financé par les abonnements. Se situant comme un média de reportages et d'enquêtes sociales, il ne se contente pas de publications et organise aussi des actions militantes, comme les interventions dans les Assemblées Générales des grands groupes.

En tant que média alternatif, Fakir s’oppose clairement à la presse traditionnelle. Dans son premier livre, Les petits soldats du journalisme, François Ruffin dénonçait déjà  le système de formatage que constituaient les écoles de journalisme, en accusant sa propre école, le CDJ. D’après lui, ces établissements cultivent la complaisance avec le pouvoir et ne donnent aucune place à l’engagement politique et à l’impertinence. Mais il ne ferme pas les yeux sur le risque de l'entre soi qu’encourt tout mouvement anti-système. D’où l’un des leitmotivs du mouvement Nuit Debout dont François Ruffin est l’un des organisateurs principaux: « Faut-il prendre le pouvoir pour changer le monde ? »

 

5. Pour essayer de comprendre les origines de la sémantique négative du mot « patron » dans la langue française


Déjà en 1971 Les Charlots rendaient hommage au patronat en proposant d’échanger les rôles. Le danger qui d’après certains critiques guetteraient aussi François Ruffin : « Vous verrez, il finira patron… »