Lorsqu’on les interroge sur l’esthétique de Noël, les
moteurs de recherche nous renvoient allègrement vers les salons de beauté. En
effet, comme l’inévitable concours Miss France, le style Noël est un mélange de
kitsch et de glamour. Le mariage des deux registres artistiques et
publicitaires apparaît nettement dans les suggestions de cadeaux, en
particularité des livres. Cette période festive tant attendue est propice aux
ouvrages qui font consensus et ne heurtent aucune sensibilité : de beaux
livres sur papier glacé destinés à trôner sur la table basse ou dans la
bibliothèque plutôt que d’être lus.
Car l’importance du visuel et l’insignifiance du contenu
font partie de la magie de Noël. Ayant pour vocation de vendre du rêve, elle
est indissociable de l'industrie de consommation de masse. Issue en grande
partie de l’imagerie de l’enfance, elle réunit ainsi, sous des traits triviaux
et populaires, le miraculeux et le merveilleux, les éléments du kitsch
religieux (cloches, crèches, bougies) et l’univers des contes de fées (la
tournée du Père Noël). En même temps, comme l’a montré la récente « fête
du pull moche », le kitsch est tout à fait compatible avec le second
degré.
Au premier regard, le
kitsch et le glamour n’ont pas grand-chose en commun, le premier étant marqué
par le mauvais goût et la médiocrité assumée, le deuxième par l’élégance, la
distinction, le souci de qualité, une forme de sophistication et un certain raffinement.
L’horreur de la vulgarité, la mesure et maitrise dans l’exécution inscrivent ce
style intemporel dans un paradigme néoclassique.
Mais il rejoint le kitsch le plus clinquant dans le culte
de la tradition et une adhésion conformiste aux valeurs sûres dont de nombreux
stéréotypes, conventions et lieux communs. Situés à la limite de l’art et de l’art
de vivre, appelés à toucher le grand public, le kitsch et le glamour se
montrent particulièrement intrusifs voire incontournables, surtout à certaines
périodes de l’année.
Et bien sûr ils partagent aussi l’esprit du factice, le
culte des apparences et l’art de la retouche (l’exemple du Studio Harcourt et celui de Pierre et Gilles font partie des
plus cités). La célèbre définition du kitsch par Milan
Kundera met en lumière cette recherche du convenable : « Le
kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens
littéral comme au sens figuré : le kitsch exclut de son champ de vision
tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable. »
De ce point de vue, l’esthétique de Noël dans sa version
idyllique ou iconique s’apparente à un mythe fondateur : un mensonge
justifié par la pratique sociale existante et les valeurs qui y sont ancrées.