dimanche 8 janvier 2017

Une « femme terrible »


Maroussia Klimova à l'INALCO
 
 
Contrairement à Mourka, l’héroïne féline d’un chef-d’œuvre du folklore criminel russe à qui elle doit son pseudonyme, Maroussia Klimova ne porte pas un revolver et un blouson en cuir. Mais elle semble avoir une préférence pour un style légèrement gothique ou plutôt décadent, selon ses propres termes, peut-être un tribut à sa réputation de « femme terrible », provocatrice et sulfureuse.

 

Lors de sa soirée à l'INALCO organisée par le club littéraire « Je lis ! » le 6 janvier 2017, cette auteure russe contemporaine se proclamant « marginale » et « nietzschéenne » a lu des extraits de ses livres dont Mon histoire de la littérature russe, mais aussi Maison à Bois-Colombes, un roman autobiographique où elle décrit sa rencontre avec la veuve de Louis-Ferdinand Céline. Connue en France surtout comme sa traductrice et spécialiste de son œuvre, décorée par l’Ordre des Arts et des Lettres, Tatiana Kondratovitch de son vrai nom fait partie de la contre-culture russe actuelle. Dans son pays, on lui reproche souvent ses jugements paradoxaux, sa misanthropie, son mépris de la morale bourgeoise et son culte de la beauté.

 

En l’entendant parler de régime soviétique, on comprend un peu mieux les origines de la révolte de cette traductrice formée à l’Université de Leningrad qui avait commencé sa carrière professionnelle par la destruction de son diplôme, avant d’être licenciée du Musée de la religion pour le rejet de la propagande athéiste. Etudiante, elle choisit de traduire Céline parce que son œuvre est interdite en l’URSS et conservée dans les dépôts spéciaux des bibliothèques (« spetskhran »). Les provocations de l’auteure de Sang bleu et de Récits du marin liée dans sa jeunesse à la culture Underground sont sans aucun doute enracinées dans la dissidence.

 

L’ouverture des frontières lui avait fait penser à une bouteille de champagne qu’on débouche. Fidèle à elle-même, elle fait partie aujourd’hui des rares personnes à faire l’éloge des années 1990. Plus de 20 ans après le début de la Perestroïka, l’organisatrice des festivals de la Décadence a encore des comptes à régler avec le communisme qui « déteste la beauté » et essaie de formater les écrivains. C’est ce rejet qui  la pousse à miser sur les nuits noires de Saint-Pétersbourg par opposition à ses nuits blanches et sur d’Anthès contre Pouchkine. Une stratégie qui finalement s’est révélée payante non seulement pour sa survie et sa liberté, mais aussi pour sa notoriété nationale : depuis 2007, Maroussia Klimova fait partie des personnalités les plus connues de Saint-Pétersbourg…

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