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Affiche du film (Séances sur Seine) |
Le 12 janvier dernier le
cinéma Alcazar à Asnières a proposé, avec le soutien de l’association Séances sur
Seine, une projection du film La dolce
vita de Federico Fellini. Une occasion unique de revoir une œuvre mythique
qui a fait couler tant d’encre à sa sortie en 1960, avant d’obtenir des
récompenses internationales prestigieuses.
Saisi et coupé par la censure
italienne, le film de Fellini était interdit aux moins de 18 ans en Italie et
en France. En effet, dès sa sortie, La
dolce vita rebaptisée par la presse « La Sconcia Vita » (« La Vie
répugnante ») et qualifiée de
« crypto-cochonne » par l’adjoint au maire de Rome suscite des débats
acharnés et des controverses violentes. Bien que
de nombreux épisodes du film aient été inspirés au cinéaste par des faits et
des gens réels, La dolce vita déclenche
en Italie un énorme scandale dans les milieux ecclésiastiques et mondains et se
transforme même en une affaire d’Etat, en faisant l’objet d’un débat au
Parlement.
C’est
ainsi que Fellini devient, un peu malgré lui, le plus politique des
réalisateurs italiens. Jusque-là il était plutôt bien vu par les
conservateurs et critiqué, voire rejeté par la gauche. Mais après la polémique
autour de son nouveau film les jugements
s’inversent. Un
spectateur déclara au réalisateur, à la sortie de la première à
Milan : "Vous devriez avoir honte, vous jetez l’Italie dans les bras
des communistes". Les fascistes du Le MSI (Mouvement Social Italien) exigent le
retrait de visa pour le film, dénonçant une atteinte à la vertu et à la probité
du peuple romain et mais aussi à
la dignité de la Ville éternelle.
L’Église et le Vatican,
appuyés par le pouvoir démocrate-chrétien, lancent une virulente campagne
appelant au boycott du film par les fidèles et traitant Fellini de « marxiste
dépravé » et Marcello Mastroianni de « communiste ». Giuseppe Della Torre,
directeur de L’Osservatore Romano (organe
officiel du Saint-Siège), orchestre une campagne de dénigrement de ce film
qualifié de dégoûtant, d’indigne et de « néo-décadent » et publie
deux articles titrés « Basta ! ». Le pape sort choqué de la
projection, on parle même de la possibilité d’excommunier le cinéaste qui se
réclame du christianisme, lorsque Vatican déclare le film « moralement
inacceptable ». Les catholiques
adressent lettres, télégrammes et exposés pour demander à la questure
le retrait immédiat du film des salles de cinéma. On peut lire dans les
journaux : « Le confesseur de Mme Fellini interdit formellement
à sa pénitente d’aller voir le film de son fils… » et sur
une porte d’église à Padoue : « Prions pour l’âme de Federico Fellini,
pêcheur public ».
La scène finale du film,
une soirée de luxure dans une riche villa romaine est qualifiée d’orgie par les
spectateurs indignés qui quittent la salle en protestant à haute voix. Parmi
d’autres épisodes suscitant la réprobation ou le rejet on peut citer les
errances de Marcello entre plusieurs femmes, l'arrivée par hélicoptère d'une
statue géante du Christ et la scène du « faux miracle », enfin le
suicide de Steiner après l'assassinat de ses propres enfants. Pour ne rien
arranger, le côté scandaleux du film fut démesurément grossi par les rumeurs
décrivant les scènes inexistantes dans le film, comme les actes d’échangisme ou
les orgies dans des églises.
Les reproches concernent
également la forme. Ainsi, la structure du récit souvent rejetée par la
critique de l’époque comme « trop chaotique » s’éloigne du récit linéaire.
Cette série d'épisodes en apparence déconnectés qui n'est pas sans rappeler
celle des films à sketches devient l’un
des motifs de la rupture entre Fellini et son producteur initial Dino de Laurentiis. En réalité, le film
constitué d’un prologue, sept épisodes principaux interrompus par un intermède
et un épilogue est parfaitement structuré et symétrique, l’épilogue reprenant
le motif de l’incompréhension (« dialogue des sourds ») présent dans
le prologue.
C’est aussi grâce à
cette structure révolutionnaire et non seulement aux épisodes
« osés » que le film de Fellini est devenu un grand classique du
cinéma italien dont de nombreuses scènes cultes font aujourd’hui partie de l’imaginaire
collectif.
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