Le mot a été traduit de
l'anglais blue stocking et désignait au départ les habitués d'un salon
littéraire présidé par une femme, Elizabeth Montagu (1720-1800). Elle réunissait
chez elle, une fois par semaine, des amies qui partageaient ses goûts
littéraires. Les hommes étaient admis à leurs réunions, et parmi eux,
paraît-il, un certain Benjamin Stillingfleet, qui se présenta un jour en bas
bleus après que son hôtesse lui eut assuré que son salon était ouvert aux gens
d'esprit, et non aux élégants. Le petit club s'appela par plaisanterie
« le cercle des bas bleus », sans connotation vraiment péjorative.
Cependant l'habitude prise dans ces salons de s'ouvrir au mérite sans
distinction d'origine sociale souleva des critiques. En France le terme connut
le même sort que celui de précieuse au XVIIe siècle.
Il fut adopté par les conservateurs et les réactionnaires pour stigmatiser des
femmes comme Sophie Gay, George Sand, Delphine de Girardin, et en général
toutes les femmes qui affichaient des prétentions littéraires ou
intellectuelles. Gustave Flaubert y consacre une définition ironique dans son Dictionnaire des idées reçues :
« Bas-bleu : Terme de mépris pour désigner toute femme qui
s'intéresse aux choses intellectuelles. Citer Molière à l'appui : “Quand
la capacité de son esprit se hausse” etc. » Dans le chapitre V des Œuvres
et les hommes au XIXe siècle (1878), intitulé Les
Bas-bleus, Barbey d'Aurevilly écrit : « […] les femmes qui
écrivent ne sont plus des femmes. Ce sont des hommes, — du moins de prétention,
— et manqués ! Ce sont des Bas-bleus. »
En effet, parmi les
reproches adressés le plus souvent aux bas-bleus sont à citer la virilité et
les prétentions intellectuelles, mais aussi l’incapacité à aimer perçue comme
une mutilation infligée par cette créature à sa propre âme. Sous la plume de
ses détracteurs les plus acharnés, le bas-bleu se transforme en vieille fille
aigrie et solitaire. C’est sous cet aspect-là que Jules Janin épingle dans son
essai Le Bas-bleu (1842) une
femme vouant sa vie à l’écriture :
« Regardez-la venir,
tenant sous le bras son cabas domestique, ou plutôt sa hotte littéraire ;
sur le visage de cette femme rien n’est resté, ni la beauté, ni la jeunesse, ni
la gloire, ni le succès, ni rien de ce qui console d’être une vieille femme
pauvre et seule, abandonnée à tous les caprices et à tous les vents ; non
certes, l’amour n’a pas passé par là. L’amour a eu peur de ces
lèvres pincées qui vomissent incessamment les rimes des deux sexes ;
l’amour a reculé devant ces affreux doigts tachés d’encre ; l’amour n’a
pas voulu de cette femme qui ne songe qu’à vendre à la page et au volume le peu
de bon sens que contient son cerveau, le peu d’honnêtes passions que renferme
son cœur. »
Une description très imagée
qui se passe de commentaires…
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