samedi 29 novembre 2014

Exhibit B, l’installation qui divise




Après l’œuvre de Paul McCarthy vandalisé place Vendôme au mois d’octobre et une photographie de Diane Ducruet censurée au mois de novembre, voici une nouvelle installation qui provoque de vives réactions. Exhibit B est une expo-performance créé par le metteur en scène sud-africain Brett Bailey et découverte par les Français au Festival d’Avignon 2013. Présentée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, du 27 au 30 novembre, puis au 104, à Paris, du 7 au 14 décembre, c’est une installation en douze tableaux vivants évoquant des scènes issues de l’histoire coloniale et postcoloniale. Son titre vient des pièces à conviction rassemblées dans un des dossiers d’instruction. Né dans les années 60 et ayant grandi en Afrique du Sud sous l'apartheid, son auteur s'attaque à un sujet qui lui tient à cœur.  Troublante, dérangeante, l’exposition met en scène des personnes noires enchaînées, assises derrière des barbelés, bâillonnés  ou travaillant dans des champs de canne au sucre. Cette œuvre artistique est loin de faire l’unanimité, d’autant plus que les performeurs noirs volontaires et recrutés localement mettent le spectateur en position de voyeur comme leurs ancêtres l’ont été dans les sordides « zoos humains » et les foires jusqu’au début du XXe siècle.

 

Depuis quatre ans, l’installation a été accueillie, sans vagues, un peu partout en Europe, à Vienne (Autriche), à Bruxelles, à Avignon, à Paris (au 104, en novembre 2013). La controverse a véritablement commencé quand Exhibit B est arrivé au Royaume-Uni, au Festival d’Edimbourg en août, puis à Londres. Elle devait être présentée au Barbican Centre en septembre mais a été déprogrammée à la suite de pressions accusant l’œuvre de racisme.

En France, la polémique a commencé en octobre, avant de prendre ces derniers jours des proportions beaucoup plus importantes. Une pétition lancée sur Internet et visant à faire interdire l’œuvre, a recueilli plus de vingt mille signatures. Exhibit B, que la plupart des personnes à l’origine de ce mouvement n’ont pas vu, suscite de vifs débats notamment dans la communauté noire. Il y a ceux qui s’indignent des images dégradantes ou dénient purement et simplement à Brett Bailey, en tant que Blanc, de s’arroger le droit de faire œuvre à partir de l’histoire des Noirs. Mais aussi ceux qui s’interrogent sur la culpabilisation imposée à la population blanche. Pour les défenseurs de la performance, il est indispensable de l’avoir vue en réalité et pas seulement les photos pour pouvoir juger des effets qu’elle produit. Quand certains reprochent un spectacle choquant, d'autres applaudissent une œuvre militante et touchante, montrant le passé d'une population telle qu'elle l'a vécu. Plusieurs associations anti-racistes (Mrap, Licra) attestent elles aussi que les motivations de Brett Bayley – dénoncer le racisme et le colonialisme – sont aux antipodes de celles que lui prêtent les manifestants.

 

Jeudi, pour la première, à l’appel du Collectif contre Exhibit B, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le théâtre aux alentours de 18 heures, pour demander l’annulation de l’installation, alors que des spectateurs étaient déjà à l’intérieur. S’il n'y a pas eu d'intrusion dans le théâtre, trois personnes ont toutefois été arrêtées. Face à la violence des détracteurs venus crier "Au racisme !" la représentation de jeudi a dû être interrompue.  Celle de ce vendredi a été maintenue, avec un dispositif policier renforcé pour assurer la protection des spectateurs, et un nouvel appel à la mobilisation.

 

Le directeur du théâtre Gérard Philippe à Saint Denis l'assure: la programmation d'Exhibit B se poursuivra comme prévu jusqu'à dimanche 30 novembre. Le débat du public avec Brett Bailey opposant "pro Exhibit" et "anti Exhibit" a cependant été annulé.


Exhibit B, par Brett Bailey. Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, du 27 au 30 novembre. Au 104, à Paris, du 7 au 14 décembre. www.theatregerardphilipe.com et www.104.fr 

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