Fait symbolique, c’est un arbre
qui joue un rôle majeur dans le récit biblique de la Chute. Dans de nombreuses
cultures du monde, la capacité de production des arbres et leur symbolisme
phallique leur ont donné une place centrale dans les rites de fertilité. Les
coutumes qui voulaient que les femmes stériles enlacent certains arbres
fruitiers ou s’allongent en-dessous afin de tomber enceintes étaient très
courantes, depuis l’Europe du Nord-Ouest, jusqu’à la Polynésie. Mais comment
expliquer le fait que le fruit interdit cueilli par Eve est le plus souvent
associé à la pomme ?
Il ne
s’agit pas d’une erreur de traduction mais plutôt d’un jeu de mots. Evoqué dans
la version latine de la Bible (Vulgate), le mot malus désigne aussi bien un arbre
« mauvais », c'est-à-dire interdit, qu'un simple pommier. Quant au malum,
il signifie « pomme », mais également « mauvais » ou « méchant ».
Présente
dans de nombreux mythes, la pomme apparaît comme un très ancien symbole de
l’amour et de l’épanouissement sexuel. Telle est sa signification dans les rêves, selon l’écrivain grec Artémidorus.
Attribut de l’Aphrodite et de ses compagnons les érotes, elle était considérée
comme un cadeau amoureux, au même titre que la rose. Aujourd’hui encore, on lui
attribue parfois des vertus aphrodisiaques, comme par exemple, au Portugal.
Pour
expliquer ce fait, on évoque souvent son symbolisme sexuel : sa
forme sphérique rappelle la poitrine féminine, tandis que son cœur coupé en
deux est censé rappeler la vulve. Ainsi, la gravure de Jean II de Gourmont
intitulée Le pêché universel
(1565-1585) présente Adam et Eve enlacés sous l’arbre de la connaissance en
compagnie du serpent tentateur. Eve sert de relais entre la parole diabolique
et Adam : d’une main, elle saisit la pomme offerte, de l’autre elle la
donne à son tour. Quant à Adam, il offre une image symétrique, en saisissant la
pomme d’une main et en caressant le sein d’Eve de l’autre. Le fruit et le sein
deviennent ici interchangeables.
Mais c’est aussi l’érotisme des
représentations orales (croquer la pomme)
qui détermine son potentiel évocateur dans le contexte du récit biblique. En
témoigne la polysémie constatée notamment dans le slavon et dont la
parenté des mots iskusiti (tenter), iskus (tentation) et vkusiti (goûter), vkus (goût) est un remarquable reflet.
De nos jours, la pomme en tant que fruit défendu cueilli par la première
femme est toujours aussi souvent déclinée dans les œuvres d’art, de design et
bien sûr, sur les images publicitaires.
Encore entière entre les mains
d’une Eve à la fois innocente et coupable, la pomme constitue le centre
géométrique de La nouvelle Eve
imaginée par Pierre et Gilles (2011). Sur ce portrait de Zahia Dehar, la
première femme placée dans un décor féerique de nuages, de fleurs de champs et de
jolis champignons vénéneux est menacée par un serpent rose en érection. Aussi
troublante que resplendissante, elle apparaît dans un halo de lumière, reflet iconique de la sainteté et du glamour qui
ne fait qu’accentuer l’ambigüité de l’ensemble.
Le duo de photographes expose une
nouvelle fois un univers pop et coloré, d’une naïveté perverse entre kitsch
presque enfantin et connotation sexuelle. C’est justement cette provocation
combinée à l’expression naïve qui a contribué à leur notoriété internationale.
Créé au début de l’année 2014 pour célébrer le réveil des sens comme
alliance entre la gourmandise et la sensualité, le parfum La Tentation de Nina joue également avec les connotations
bibliques évoquées par la forme et la couleur de son flacon. Mais cette
fragrance florale et fruitée, née de la rencontre entre Nina Ricci et Ladurée, revendique
aussi des notes hespéridés, une référence aux pommes d’or du jardin des
Hespérides de la mythologie grecque.
Ce n’est pas par hasard que cette promotion de l’adultère a provoque la colère de militants proches de la Manif pour tous qui n’ont pas hésité à arracher ou à taguer les affiches incriminées.
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