mercredi 9 septembre 2015

Le choix d'Anish Kapoor



La décision d'Anish Kapoor de ne pas retirer les inscriptions injurieuses et antisémites de sa sculpture vandalisée dimanche à Versailles va sans doute relancer les vieux débats sur la nature d’une œuvre d’art et ses fonctions. La sculpture va rester en l'état, comme le souhaite son créateur, avec des panneaux explicatifs. Et pourtant l’artiste britannique a été très affecté en découvrant une dizaine d’inscriptions faites à la peinture blanche sur le tube d’acier et les pierres qui l’entourent.

 
Installée dans les jardins du château de Versailles depuis juin, la sculpture monumentale "Dirty Corner" parfois surnommée le "vagin de la reine" avait déjà été vandalisée en juin par des jets de peinture jaune avant d’être nettoyée. L'artiste qui avait des doutes sur le bien-fondé d'un nettoyage, ne souhaite pas cette fois-ci retirer les mots infamants qui font pour lui partie de ce « mémorial de la honte ». Désormais l’œuvre se montrera telle quelle aux visiteurs et aux touristes de Versailles. L’artiste défie les musées du monde de la montrer en l’état, porteuse de la haine qu'elle a attirée. Cette décision acceptée par Catherine Pégard, présidente du Domaine et du château de Versailles, a trouvé le soutien au sein du gouvernement français. « Il ne faut rien cacher », affirme le ministre de l’Intérieur. "C'est le choix de l'artiste. Le choix de montrer que certains ont aujourd'hui un problème avec la liberté de création", souligne le ministère de la Culture. Un choix controversé qui risque d’être interprétée comme la victoire de la barbarie sur ce qui s’oppose à elle et de traumatiser les personnes qui se sentiront visées par ces insultes. Par ailleurs, Fabien Bouglé, conseiller municipal de Versailles, a déposé une plainte à l'encontre de l'artiste et de Catherine Pégard, pour « incitation à la haine raciale, injures publiques et complicité de ces infractions». Mais c’est également un choix qui ne manquera pas d’attirer une attention supplémentaire à l’œuvre de l’artiste. Les inscriptions étant en décalage total avec l’intention initiale de sculpteur, la présence des panneaux explicatifs devient en effet indispensable pour s’y retrouver.

 
Un acte de dégradation (qui est, ne l’oublions pas, un acte criminel) peut-il enrichir une œuvre d’art en la rendant plus complexe, en l’inscrivant à la fois dans l’histoire et dans l’actualité, en la transformant en cible de nouvelles visites pédagogiques ? Est-ce le vrai « défi de l'art », comme l’affirme l’artiste ? Et par où passe la frontière entre une provocation barbare et une provocation créative faisant l’objet de ce blog ? Telles sont les questions qui se posent face à ces images révoltantes.
 

Tout cela n’empêche bien sûr pas de prendre de nouvelles mesures de sécurité pour protéger l’œuvre jusqu’à son démontage prévu pour le 1er novembre.


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