samedi 18 juin 2016

Frédéric Grèze : « Plus ambigu qu’une simple farce… »


Frédéric Grèze

 

Dans cette interview exclusive, le gagnant du Concours de manifeste 2016 évoque sa démarche, ses inspirations et ses projets.


1. Pourquoi avoir participé à ce concours ?

Depuis cette année, je participe aux ateliers L'Écriture sous toutes les Coutures d'Hélène Marciano. Lorsqu'Hélène a proposé de travailler sur un manifeste, j'ai pensé à cette idée d'une plaidoirie contre les sondages. La séance s'est terminée et on est passé à autre chose. Plusieurs mois plus tard, j'ai repris mes notes, fait quelques recherches sur le web sur des sondages idiots et j'ai vu se dessiner quelque chose de plus intéressant, de plus ambigu qu'une simple farce. Alors j'ai continué avec un petit logiciel de mise en page et puis comme je suis un peu joueur, je me suis rappelé du concours...

 

2. Est-ce la première fois que vous participez à un concours littéraire ?

En tant que candidat oui, mais il y a eu une dizaine d'années, j'ai eu le grand privilège d'être sélectionné comme juré pour le prix du livre Inter. J'en garde un souvenir mélangé de plaisir et de frustration. Plaisir d'avoir longuement débattu sous la présidence d'Olivier Rollin, un romancier que j'aime énormément, et de frustration car nous n'avons pas primé le livre que je préférais (François Bon "Daewoo roman").

 
Le spectacle poétique au Château d'Asnières


3. Qu’est-ce qui vous séduit dans le genre de manifeste ?

Je ne pense pas pouvoir faire une réponse générale car ce n'est pas un genre que je connaissais particulièrement avant de m'y essayer. Il me semble que c'est un exercice qui vise à convaincre, à défendre des positions très marquées, des idées en général généreuses et basées sur des convictions très fortes.

Ce qui m'a amusé c'est de détourner un peu l'approche en essayant d'ajouter de l'ambiguïté, du malaise sur des thèmes qui me tiennent à cœur: notre part de commune médiocrité que révèlent les sondages, mais la révèlent-ils ou la créent-ils ? et quelle est notre part de responsabilité dans cette création / révélation ? qui nous oblige à répondre sur notre préférence entre Zidane et l'abbé Pierre, ou à des questions croisées sur nos pratiques sexuelles et nos opinions politiques (vous pouvez vérifier sur Google, ce sondage là existe vraiment !!) ? à acheter les journaux, écouter les émissions qui donnent les résultats de ces enquêtes débiles?


 

La question de l'opinion publique face à la peine de mort est par ailleurs certainement une de celles qui a été le plus l'objet d'enquêtes. Quand j'étais enfant c'est un sujet dont nous parlions régulièrement en famille car mes parents étaient viscéralement contre et nous aurions pu écrire avec enthousiasme un manifeste pour son abolition! Dans le camp d'en face, je me souviens qu'un des grands arguments pour continuer à couper des têtes étaient que tous les sondages montraient que les Français n'étaient pas prêts à y renoncer. C'est pour ça que j'ai trouvé amusant de retourner la violence de la foule contre les sondeurs. Quand on joue avec les mauvais instincts, le pire devient possible.


 

Le manifeste, par sa mise en page, donne aussi la possibilité d'une "mise en scène de l'écriture". Ainsi, à la fin de la première page de mon texte, on peut penser qu'on a affaire à un tract populiste pour la peine de mort et en être révolté, au début de la 2ème page on peut croire que c'est juste une farce et en rire; à la fin de la lecture, peut-être qu'on est aussi un peu mal à l'aise face à notre penchant collectif pour la médiocrité et les réactions grégaires qui peuvent facilement désigner des boucs émissaires.

Je ne sais pas si ça fonctionne aussi bien que ça mais en tout cas j'espère qu'au moins certains lecteurs ou auditeurs ont pu passer par ce large éventail de ressentis. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai appelé ce texte "Mise en abîme".


4. Y a-t-il un auteur qui vous inspire particulièrement ?

Même si je n'y ai pas pensé en écrivant, je me suis dit a posteriori j'avais peut-être été en partie inconsciemment inspiré par le livre de Charb "Petit Traité d'intolérance" et aussi certainement par les plaidoiries inoubliables de Pierre Desproges dans une émission de radio de ma jeunesse "Le tribunal des flagrants délires". Quand je cherche une référence en matière de mélange d'humour, de profondeur derrière le rire et de qualité d'écriture, Pierre Desproges est pour moi définitivement indépassable.

 
La lecture de Mise en abîme par les participants de l'atelier d'écriture


5. Quel sera votre prochain défi créatif ?

Emporté par mon enthousiasme dans la foulée du concours de manifestes, j'avais aussi envoyé un texte au concours de poésie RATP dont les 100 finalistes viennent d'être sélectionnés. Je ne suis pas dans la liste, quel dommage ça doit vraiment être le pied de voir un texte qu'on a écrit, affiché sur les murs du métro! J'ai envoyé un 3ème texte très différent au concours d'une maison d'édition, Flammes Vives de la poésie. J'attends les résultats en juillet et je ne doute de rien ! Ce que j'ai vraiment trouvé sympa dans les ateliers de l’Ecriture sous toutes les Coutures, c'est justement de pouvoir explorer des thèmes et des contraintes d'écriture très variées. J'ai vraiment envie de continuer et d'essayer aussi de travailler sur des exercices de style jouant avec les sonorités des mots, mes collègues d'atelier sont très forts pour ça!

 

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