1. Parce que ce film ne ressemble à aucun autre
A l’heure où, selon le dernier
classement du cabinet Universum, le groupe LVMH fait toujours autant rêver les
étudiants, François Ruffin signe un documentaire cinglant qui vise autant Bernard
Arnault en personne que les grands patrons en général. Le film raconte le combat du couple Klur qui au début semble perdu d'avance. Tous les deux étaient employés dans l'usine Ecce à Poix-du-Nord, une filiale du
groupe LVMH jadis chargée de la confection des costumes Kenzo avant que l'usine
ne soit délocalisée en Pologne en 2007.
Comme l‘a remarqué François
Morel, « Merci patron !
pourrait concourir aux Césars dans la catégorie « Meilleur film » [...] et
même meilleur film étranger tant ce film en effet est tellement étranger au
reste de la production cinématographique habituelle ». Ce qui n’a pas
empêché d’autres critiques de le comparer aux films d’Ernst Lubitsch, Frank
Capra, Bruno Dumont et bien sûr Michael Moore. Néanmoins, il reste un ovni d’un
tout nouveau genre, à la fois une enquête et un combat social réparant les
injustices en direct : un vrai film d’action
directe, selon une définition de l’économiste Frédéric Lordon.
2. Pour se faire une opinion sur un film autant encensé que boudé
Réalisé notamment grâce au financement
participatif, le documentaire satirique de François Ruffin est en train de
devenir un véritable succès populaire, avec 300 000 entrées dépassées. Cet
intérêt a été alimenté par le buzz négatif autour de ce ciné-pamphlet, avec des
interviews annulées ou écourtées, des pressions
exercées sur les journalistes, de vives critiques
sur Canal+, et enfin la mise
à pied d’un prestataire de Renault faisant la publicité du film. D’autre
part, de nombreuses personnalités ont soutenu ce « chef d’œuvre de la
comédie documentaire » (Jacques Mandelbaum), un film « tonique, vengeur, grinçant » (Sorj Chalandon),
un thriller social revendiquant le suspense, l’espionnage, l’émotion et bien
sûr la rigolade.
3. Parce que c’est drôle et jouissif
Comédie humaine ou farce authentique, ce
documentaire sur la lutte des classes fait exploser la salle de rire par son
insolence carnavalesque. Qu’on soit de droite ou de gauche, pas de qualité humaine
particulière n’est requise pour s’identifier aux faibles et se réjouir des
failles des tout-puissants révélées par un redresseur de torts. C’est ainsi que
le Robin des Bois de Fakir avait su
créer un défouloir social ayant convaincu même l’homme-grenouille,
l’auteur de la critique négative la plus utile sur AlloCiné : "Son seul intérêt est la jouissance que l’on
peut tirer à voir un groupe comme LVMH se faire ridiculiser à ce point..."
4. Parce que c’est aussi une réflexion sur le journalisme indépendant
Désigné par ses confrères comme « alterjounarliste »,
François Ruffin est aussi fondateur et rédacteur en chef de Fakir, journal satirique indépendant et alternatif engagé à gauche. Par son
slogan « Journal fâché avec tout le monde. Ou presque » : Fakir
met en avant sa liberté totale d'expression. En plus de l'indépendance
politique, c'est l'indépendance économique qui permet sa liberté de ton à ce
journal presque entièrement rédigé par des bénévoles et financé par les
abonnements. Se situant comme un média de reportages et d'enquêtes sociales, il
ne se contente pas de publications et organise aussi des actions militantes,
comme les interventions dans les Assemblées Générales des grands groupes.
En tant que média alternatif, Fakir s’oppose clairement
à la presse traditionnelle. Dans son premier livre, Les petits soldats du
journalisme, François Ruffin dénonçait déjà le système de formatage que constituaient les
écoles de journalisme, en accusant sa propre école, le CDJ. D’après
lui, ces établissements cultivent la complaisance avec le pouvoir et ne donnent
aucune place à l’engagement politique et à l’impertinence. Mais il ne ferme pas
les yeux sur le
risque de l'entre soi qu’encourt
tout mouvement anti-système. D’où l’un des leitmotivs du mouvement Nuit Debout dont François Ruffin
est l’un des organisateurs principaux: « Faut-il prendre le pouvoir pour
changer le monde ? »
5. Pour essayer de comprendre les origines de la sémantique négative du mot « patron » dans la langue française
Déjà en 1971 Les
Charlots rendaient hommage au patronat en proposant d’échanger les rôles.
Le danger qui d’après certains critiques guetteraient aussi François
Ruffin : « Vous
verrez, il finira patron… »
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