lundi 15 décembre 2014

Niki de Saint Phalle et ses cibles


Niki de Saint Phalle
 
 
« J’ai eu la chance de rencontrer l’art parce que j’avais, sur un plan psychique, tout ce qu’il fallait pour devenir une terroriste ». Pour comprendre ces propos chocs de Niki de Saint Phalle, il faut visiter son exposition qui se déroule actuellement au Grand Palais.

 

Dans les années 1960, l’artiste emploie pour peindre, une méthode bien à elle : celle du tir à la carabine. Elle fixe sur un panneau de bois divers objets insérés dans du plâtre, selon une composition précise, ainsi que des sachets de couleurs liquides, parfois emplis de produits alimentaires (spaghettis, œufs, riz, tomates). Ils éclatent sous l’impact des balles et dégoulinent en traînées bariolées. Elle en eut l’idée en février 1961, au cours de l’exposition « Comparaisons : peintures-sculptures » au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Elle y exposait pour la première fois un relief-assemblage, Saint Sébastien or Portrait of my Lover. C’était un tableau composé d’une chemise surmontée d’une cible sur laquelle les visiteurs étaient invités à lancer des fléchettes. L’artiste est alors saisie d’un sentiment d’allégresse quand elle voit les visiteurs se déchaîner pour atteindre la cible. Pourquoi ne pas tirer sur une toile blanche pour la faire saigner et cracher de la peinture sous les balles ? Quelques jours plus tard, elle réalise ses premiers reliefs en plâtre. Durant ces séances, elle invite aussi les spectateurs à tirer à la carabine sur des poches de couleur.

 

Ce rituel, elle le trouve "excitant et sexy", mais aussi "tragique" et sans doute lié à sa douloureuse histoire personnelle. C’est une façon de « mourir de sa propre main » avant de renaître. Niki de Saint Phalle retourne sa propre violence contre le tableau.

 

A mi-chemin entre la performance, la sculpture et la peinture, ces tirs-happenings sont  souvent documentés, photographiés et même formatés pour la télévision. Elles ont une  fonction cathartique pour Niki et son public permettant de canaliser la colère, l’engagement et la radicalité.

 

Cette rétrospective de Niki de Saint Phalle m’a confortée dans mon idée qu’une provocation a une bonne force de frappe lorsqu’elle est :

  • une passion
  • associée à une technique créative
  • et focalisée sur ses cibles

Quant à ces dernières, c’est à nous de les identifier, de les décrire et pourquoi pas les cataloguer, comme le fait cet inoubliable Mur de la rage :



Le Mur de la rage (Niki de Saint Phalle)

Il est vrai, la provocation créative tient plus d’escrime que de pugilat. Mais même lorsque'elle ressemble davantage à un jeu de flêchettes, elle peut être d'une redoutable efficacité.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire