lundi 30 janvier 2017
mercredi 18 janvier 2017
Dolce Vita la scandaleuse
![]() |
Affiche du film (Séances sur Seine) |
Le 12 janvier dernier le
cinéma Alcazar à Asnières a proposé, avec le soutien de l’association Séances sur
Seine, une projection du film La dolce
vita de Federico Fellini. Une occasion unique de revoir une œuvre mythique
qui a fait couler tant d’encre à sa sortie en 1960, avant d’obtenir des
récompenses internationales prestigieuses.
Saisi et coupé par la censure
italienne, le film de Fellini était interdit aux moins de 18 ans en Italie et
en France. En effet, dès sa sortie, La
dolce vita rebaptisée par la presse « La Sconcia Vita » (« La Vie
répugnante ») et qualifiée de
« crypto-cochonne » par l’adjoint au maire de Rome suscite des débats
acharnés et des controverses violentes. Bien que
de nombreux épisodes du film aient été inspirés au cinéaste par des faits et
des gens réels, La dolce vita déclenche
en Italie un énorme scandale dans les milieux ecclésiastiques et mondains et se
transforme même en une affaire d’Etat, en faisant l’objet d’un débat au
Parlement.
C’est
ainsi que Fellini devient, un peu malgré lui, le plus politique des
réalisateurs italiens. Jusque-là il était plutôt bien vu par les
conservateurs et critiqué, voire rejeté par la gauche. Mais après la polémique
autour de son nouveau film les jugements
s’inversent. Un
spectateur déclara au réalisateur, à la sortie de la première à
Milan : "Vous devriez avoir honte, vous jetez l’Italie dans les bras
des communistes". Les fascistes du Le MSI (Mouvement Social Italien) exigent le
retrait de visa pour le film, dénonçant une atteinte à la vertu et à la probité
du peuple romain et mais aussi à
la dignité de la Ville éternelle.
L’Église et le Vatican,
appuyés par le pouvoir démocrate-chrétien, lancent une virulente campagne
appelant au boycott du film par les fidèles et traitant Fellini de « marxiste
dépravé » et Marcello Mastroianni de « communiste ». Giuseppe Della Torre,
directeur de L’Osservatore Romano (organe
officiel du Saint-Siège), orchestre une campagne de dénigrement de ce film
qualifié de dégoûtant, d’indigne et de « néo-décadent » et publie
deux articles titrés « Basta ! ». Le pape sort choqué de la
projection, on parle même de la possibilité d’excommunier le cinéaste qui se
réclame du christianisme, lorsque Vatican déclare le film « moralement
inacceptable ». Les catholiques
adressent lettres, télégrammes et exposés pour demander à la questure
le retrait immédiat du film des salles de cinéma. On peut lire dans les
journaux : « Le confesseur de Mme Fellini interdit formellement
à sa pénitente d’aller voir le film de son fils… » et sur
une porte d’église à Padoue : « Prions pour l’âme de Federico Fellini,
pêcheur public ».
La scène finale du film,
une soirée de luxure dans une riche villa romaine est qualifiée d’orgie par les
spectateurs indignés qui quittent la salle en protestant à haute voix. Parmi
d’autres épisodes suscitant la réprobation ou le rejet on peut citer les
errances de Marcello entre plusieurs femmes, l'arrivée par hélicoptère d'une
statue géante du Christ et la scène du « faux miracle », enfin le
suicide de Steiner après l'assassinat de ses propres enfants. Pour ne rien
arranger, le côté scandaleux du film fut démesurément grossi par les rumeurs
décrivant les scènes inexistantes dans le film, comme les actes d’échangisme ou
les orgies dans des églises.
Les reproches concernent
également la forme. Ainsi, la structure du récit souvent rejetée par la
critique de l’époque comme « trop chaotique » s’éloigne du récit linéaire.
Cette série d'épisodes en apparence déconnectés qui n'est pas sans rappeler
celle des films à sketches devient l’un
des motifs de la rupture entre Fellini et son producteur initial Dino de Laurentiis. En réalité, le film
constitué d’un prologue, sept épisodes principaux interrompus par un intermède
et un épilogue est parfaitement structuré et symétrique, l’épilogue reprenant
le motif de l’incompréhension (« dialogue des sourds ») présent dans
le prologue.
C’est aussi grâce à
cette structure révolutionnaire et non seulement aux épisodes
« osés » que le film de Fellini est devenu un grand classique du
cinéma italien dont de nombreuses scènes cultes font aujourd’hui partie de l’imaginaire
collectif.
dimanche 8 janvier 2017
Une « femme terrible »
![]() |
Maroussia Klimova à l'INALCO |
Contrairement à Mourka, l’héroïne
féline d’un chef-d’œuvre du folklore criminel russe à qui elle doit son
pseudonyme, Maroussia Klimova ne porte pas un revolver et un blouson en cuir.
Mais elle semble avoir une préférence pour un style légèrement gothique ou
plutôt décadent, selon ses propres termes, peut-être un tribut à sa réputation
de « femme terrible », provocatrice et sulfureuse.
Lors de sa soirée à l'INALCO organisée
par le club littéraire « Je lis ! » le 6 janvier 2017, cette auteure russe contemporaine
se proclamant « marginale » et « nietzschéenne » a lu des
extraits de ses livres dont Mon histoire
de la littérature russe, mais aussi Maison
à Bois-Colombes, un roman autobiographique où elle décrit sa rencontre avec
la veuve de Louis-Ferdinand Céline. Connue en France surtout comme sa
traductrice et spécialiste de son œuvre, décorée par l’Ordre des Arts et des Lettres,
Tatiana Kondratovitch de son vrai nom fait partie de la
contre-culture russe actuelle. Dans son pays, on lui reproche souvent ses
jugements paradoxaux, sa misanthropie, son mépris de la morale bourgeoise et
son culte de la beauté.
En l’entendant parler de régime soviétique,
on comprend un peu mieux les origines de la révolte de cette traductrice formée
à l’Université de Leningrad qui avait commencé sa carrière professionnelle par
la destruction de son diplôme, avant d’être licenciée du Musée de la religion pour
le rejet de la propagande athéiste. Etudiante, elle choisit de traduire Céline
parce que son œuvre est interdite en l’URSS et conservée dans les dépôts
spéciaux des bibliothèques (« spetskhran »). Les provocations de l’auteure
de Sang bleu et de Récits du marin liée dans sa jeunesse à
la culture Underground sont sans aucun doute enracinées dans la dissidence.
L’ouverture des frontières lui
avait fait penser à une bouteille de champagne qu’on débouche. Fidèle à
elle-même, elle fait partie aujourd’hui des rares personnes à faire l’éloge des
années 1990. Plus de 20 ans après le début de la Perestroïka, l’organisatrice
des festivals de la Décadence a encore des comptes à régler avec le communisme
qui « déteste la beauté » et essaie de formater les écrivains. C’est
ce rejet qui la pousse à miser sur les nuits noires de Saint-Pétersbourg par
opposition à ses nuits blanches et
sur d’Anthès contre Pouchkine. Une stratégie qui finalement s’est révélée
payante non seulement pour sa survie et sa liberté, mais aussi pour sa
notoriété nationale : depuis 2007, Maroussia Klimova fait partie des
personnalités les plus connues de Saint-Pétersbourg…
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