Le 31 janvier, la Mairie du IVe
arrondissement de Paris a accueilli de nombreux invités pour la soirée de
lancement de l’association
« Les
Nouveaux Dissidents ». Parrainée notamment
par Liudmila
Oulitskaïa, Moustafa
Djemilev et Edgar Morin, elle avait été créée à l’initiative du philosophe
Michel
Eltchaninoff, auteur du livre du même nom publié l'an dernier aux éditions
Stock.
Il s’agit d’une démarche d’abord
éthique, qui n’a pas d’ambition politique : le but des « Nouveaux
Dissidents » n’est pas de concurrencer les grandes associations
existantes, mais plutôt de les soutenir en aidant ceux qui luttent pour le
respect des droits de l’homme à travers le monde. Elle tâchera d’informer
régulièrement le public sur ces hommes et femmes qui agissent de manière
éthique, individuelle, non violente et à visage découvert, non seulement dans
les dictatures et sous les régimes autoritaires, mais aussi dans les pays démocratiques.

L’association vise à créer un
espace d’expression et de dialogue entre ces dissidents qui pourront échanger
leurs expériences et expliquer ce qui se passe dans leur pays. Ils auront à
leur disposition un site internet où ils pourront publier leurs
manifestes,
leurs photos, leurs vidéos et leurs témoignages.
Le site de l’association a
également établi une cartographie de la dissidence à travers le monde complétée
par les informations sur les régimes politiques des pays concernés.
En effet, l’histoire et la
géographie de la dissidence méritent sans doute d’être davantage connues. Qui se souvient aujourd'hui de l'affaire de
Victor Kravtchenko, ce dissident avant la lettre et auteur de l'ouvrage
J'ai choisi la liberté (1947), dont le procès avait fait l'objet d'un livre de Nina Berberova? Journaliste à l'hebdomadaire
La Pensée russe assistant aux audiences sur les bancs de la presse, elle était parmi les premiers à alerter la communauté internationale sur ce phénomène.
Quat au terme "dissident", né en URSS à l'époque brejnévienne, il est tombé en désuétude après la chute du
mur de Berlin. Pourtant, depuis les années 1990, le monde voit apparaître de
nouveaux dissidents qui adoptent des modes d’action
similaires. Parmi eux, Michel Eltchaninoff cite des « lanceurs d’alerte »
dénonçant des abus de pouvoir ou des opacités.
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Piotr Pavlenski, invité d'honneur de la soirée |
Ainsi, une continuité peut être
établie entre la poétesse
Natalia
Gorbanevskaïa protestant sur la Place rouge, en Août 1968, contre
l’invasion de la Tchécoslovaquie avec la pancarte « Pour votre liberté et pour
la nôtre », et
Piotr
Pavlenski, activiste russe poursuivi actuellement pour une affaire de mœurs
dans son pays et ayant trouvé refuge en France. Invité d’honneur de cette
soirée, il a cité une longue liste d’auteurs et d’artistes ayant été persécutés
en Russie ou qui le sont toujours. D’après Pavlenski, toute activité créatrice est
considérée comme politique en Russie et devient, de ce fait, une source de
problèmes.
Aujourd’hui, aucun pays n’est
plus à l’abri de ce phénomène, comme
l’explique
le fondateur de l’association : «
Il y a quelques années et même seulement quelques mois, la notion de
dissidence pouvait sembler exotique. On se disait : ‘la dissidence, c’est
ailleurs’. Depuis la prise de fonction de Donald Trump, dans la presse
américaine on peut lire des articles qui se demandent si des Etats ou des
citoyens vont ‘entrer en dissidence’. Aujourd’hui, on voit bien qu’il faut se
demander si les prochaines dissidences n’apparaîtront pas aux Etats-Unis et en
Europe. Je pense d’ailleurs qu’on peut déjà en trouver ».