La décision d'Anish Kapoor de ne
pas retirer les inscriptions injurieuses et antisémites de sa sculpture
vandalisée dimanche à Versailles va sans doute relancer les vieux débats sur la
nature d’une œuvre d’art et ses fonctions. La sculpture va rester en l'état,
comme le souhaite son créateur, avec des panneaux explicatifs. Et pourtant
l’artiste britannique a été très
affecté en découvrant une dizaine d’inscriptions faites à la peinture
blanche sur le tube d’acier et les pierres qui l’entourent.
Installée dans les jardins du
château de Versailles depuis juin, la sculpture monumentale "Dirty
Corner" parfois surnommée le "vagin de la reine" avait déjà été
vandalisée en juin par des jets de peinture jaune avant d’être nettoyée.
L'artiste qui avait des doutes sur le bien-fondé d'un nettoyage, ne souhaite
pas cette fois-ci retirer les mots infamants qui font pour lui partie de ce
« mémorial de la honte ». Désormais l’œuvre se montrera telle quelle
aux visiteurs et aux touristes de Versailles. L’artiste défie les musées du
monde de la montrer en l’état, porteuse de la haine qu'elle a attirée. Cette
décision acceptée par Catherine Pégard, présidente du Domaine et du château de
Versailles, a trouvé le soutien au sein du gouvernement
français. « Il ne faut rien cacher », affirme le ministre de
l’Intérieur. "C'est le choix de l'artiste. Le choix de montrer que
certains ont aujourd'hui un problème avec la liberté de création",
souligne le ministère de la Culture. Un
choix controversé qui risque d’être interprétée comme la victoire de la
barbarie sur ce qui s’oppose à elle et de traumatiser les personnes qui se sentiront
visées par ces insultes. Par ailleurs, Fabien Bouglé, conseiller municipal de
Versailles, a déposé une plainte à l'encontre de l'artiste et de Catherine
Pégard, pour « incitation à la haine raciale, injures publiques et
complicité de ces infractions». Mais c’est également un choix qui ne manquera
pas d’attirer une attention supplémentaire à l’œuvre de l’artiste. Les
inscriptions étant en décalage total avec l’intention initiale de sculpteur, la
présence des panneaux explicatifs devient en effet indispensable pour s’y
retrouver.
Un acte de dégradation (qui est,
ne l’oublions pas, un acte criminel) peut-il enrichir une œuvre d’art en la
rendant plus complexe, en l’inscrivant à la fois dans l’histoire et dans l’actualité,
en la transformant en cible de nouvelles visites pédagogiques ? Est-ce le
vrai « défi
de l'art », comme l’affirme l’artiste ? Et par où passe la
frontière entre une provocation barbare et une provocation créative faisant
l’objet de ce blog ? Telles sont les questions qui se posent face à ces
images révoltantes.
Tout cela n’empêche bien sûr pas
de prendre de nouvelles mesures de sécurité pour protéger l’œuvre jusqu’à son
démontage prévu pour le 1er novembre.
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